Enfoui dans une colline paisible de la ville d’Usa, dans la préfecture d’Ōita, le site des ruines du temple Keishō-ji offre une expérience inhabituelle : une traversée symbolique de l’enfer au paradis. Ce lieu méconnu invite à un cheminement initiatique à travers une grotte creusée à la main à la fin de l’époque d’Edo, conçue pour enseigner les principes bouddhiques de manière concrète.
Un temple disparu, une grotte restée intacte
Le Keishō-ji était autrefois un temple bouddhique actif, mais ce sont surtout les vestiges d’une grotte exceptionnelle qui attirent aujourd’hui les visiteurs curieux. Située à Higashiera, dans le quartier d’Ajimu à Usa, cette grotte fut creusée manuellement avec des ciseaux à pierre à des fins pédagogiques et religieuses. Sa conception repose sur un récit visuel et sensoriel du parcours de l’âme depuis le jugement en enfer jusqu’à son ascension vers le paradis.
Contrairement aux représentations symboliques classiques visibles dans les temples ou les rouleaux illustrés, le Keishō-ji propose une immersion physique dans le concept de la vie après la mort selon le bouddhisme. Cela en fait un cas rare au Japon.
Le parcours de l’enfer : 40 mètres d’épreuves
Dès l’entrée dans la cavité rocheuse, les visiteurs sont confrontés à la figure redoutée du roi Enma (Enma Daio), le juge des enfers. Ce personnage légendaire tient le rôle d’arbitre moral, pesant les actions des défunts avant de leur assigner leur destinée.
À la suite de ce jugement, le sentier souterrain d’environ 40 mètres évoque le « chemin de l’enfer » (Jigoku-dō). Ce passage est ponctué de personnages mythiques : Gozu et Mezu, les exécuteurs à tête de bœuf et de cheval, ainsi que Datsueba, la vieille femme sinistre postée au bord de la rivière Sanzu, qui dépouille les âmes de leurs vêtements. Leur présence renforce l’atmosphère pesante et inquiétante de cette première partie du parcours.
Plus loin, les visiteurs atteignent la zone dite du « Chinoike Jigoku », ou « étang sanglant », représentation d’une punition infernale pour les âmes souillées. Cet espace, éclairé faiblement par la lumière naturelle ou les torches, renforce l’immersion dans ce monde parallèle fait de remords et de souffrance.
L’ascension vers le paradis : 30 mètres d’apaisement
À la sortie du couloir infernal, le visiteur pénètre dans une seconde section du tunnel, longue de 30 mètres : le « chemin du paradis ». L’atmosphère y change sensiblement. Les parois sont plus ouvertes, la progression se fait plus lumineuse, presque apaisée.
Le visiteur est ici « guidé » symboliquement par les Treize Bouddhas, un ensemble de divinités associées aux rites funéraires japonais, puis par des figures salvatrices telles que Raigō Amida (l’Amida venu accueillir l’âme) et Seishi Bosatsu, le bodhisattva de la sagesse. L’ensemble forme un cortège divin accompagnant les âmes éligibles vers le « Gokuraku Jōdo », la Terre pure du Bouddha Amida.
La sortie vers la lumière : un puits vers le ciel
L’expérience s’achève par un étroit puits vertical d’environ cinq mètres que les visiteurs peuvent gravir pour atteindre un petit sommet naturel. Cette ascension symbolise l’élévation spirituelle. Au sommet, le paysage s’ouvre sur les collines environnantes. Des statues de Bodhisattvas, dont Amida Nyorai, veillent sur ce lieu paisible.
Ce point de vue final complète l’expérience en lui donnant une dimension contemplative. Il rappelle au visiteur que le chemin vers la paix spirituelle, bien que semé d’épreuves, est accessible à ceux qui suivent les bons guides.
Un patrimoine rare au Japon
Ce parcours unique du Keishō-ji n’a pas d’équivalent au Japon. Les représentations du Jigoku (enfer) et du Gokuraku (paradis) sont généralement réservées aux arts visuels ou à la littérature religieuse. Ici, c’est par l’architecture de la grotte que le message est transmis. Ce lieu témoigne d’une volonté éducative populaire, destinée à impressionner durablement les fidèles.
Le fait que la grotte ait conservé sa forme d’origine depuis la fin de l’époque d’Edo en fait aussi un témoin archéologique précieux, autant qu’un outil pédagogique ancestral. Son accès simple – à seulement dix minutes de voiture de la sortie Ajimu IC – en fait une étape possible lors d’un itinéraire en voiture dans la préfecture d’Ōita.
Informations pratiques pour la visite
Le site est ouvert en permanence et l’entrée est très accessible (100 yens seulement). Le terrain est relativement rustique, il est donc recommandé de porter de bonnes chaussures. La montée finale vers le sommet par le puits peut s’avérer difficile pour les personnes à mobilité réduite.
Aucune réservation n’est nécessaire. Il n’y a pas de services sur place (pas de toilettes ni de distributeurs automatiques), donc mieux vaut se préparer avant de s’y rendre. L’absence d’aménagement touristique contribue à préserver l’atmosphère brute et silencieuse de ce lieu de passage spirituel.
Keishō-ji reste un site confidentiel, mais pour les voyageurs en quête d’expériences singulières, d’histoire religieuse concrète et d’introspection, il offre un parcours puissant, sans artifices. Cette grotte trace un chemin où l’imaginaire bouddhique devient tangible, de la pénombre de l’enfer à la lumière du paradis.
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