Situé à quelques pas de la gare de Kita-Kamakura, le temple Enno-ji propose une expérience atypique pour les voyageurs curieux d’explorer les représentations bouddhiques de l’au-delà. Moins fréquenté que les temples emblématiques de la ville, Enno-ji se distingue par son atmosphère singulière et la puissance expressive de ses statues liées aux jugements post-mortem.
Une histoire marquée par les catastrophes naturelles et les renaissances
Le temple Enno-ji, connu officiellement sous le nom d’Araizan Ennō-ji, remonte à 1250, date de sa fondation par le moine Soden Dōkai, également appelé maître Zen Chikaku. À l’origine, le temple s’appelait Hōzō-in et se situait près de la plage de Zaimokuza, au bord de l’océan. Cette localisation exposée le rendit vulnérable aux aléas naturels : il fut gravement endommagé par un tsunami en 1703, entraînant son déplacement vers sa position actuelle, face au temple Kenchō-ji.
Le nom actuel du temple, Ennō-ji, est associé à la salle consacrée à Enma (ou Enma-ō), le roi du monde souterrain dans la cosmologie bouddhique. Depuis sa relocalisation, le temple a connu plusieurs restaurations, notamment après les dégâts causés par le grand tremblement de terre du Kantō en 1923.

Une iconographie unique : les juges de l’au-delà
La salle principale du temple abrite un ensemble de douze statues en bois impressionnantes, centrées autour d’une sculpture monumentale d’Enma, mesurant environ 190 cm. Cette statue est attribuée au célèbre sculpteur Unkei (vers 1150–1223), figure majeure de la sculpture bouddhique japonaise. Bien que des éléments de la statue actuelle aient été restaurés au fil des siècles, la tête serait d’origine, datant de l’époque de Kamakura.
Aux côtés d’Enma se trouvent les statues des Dix Rois de l’Enfer (Jū-ō), chacun chargé de juger les âmes à des étapes spécifiques après leur mort. Cette tradition provient du bouddhisme chinois et s’est intégrée aux pratiques japonaises à travers des rituels funéraires et commémoratifs complexes.
Chaque roi juge une catégorie particulière de fautes :
- Shinkō-ō : juge les meurtres, sept jours après la mort.
- Shokō-ō : juge les vols, au quatorzième jour.
- Sōtei-ō : traite des cas d’adultère, vingt-et-un jours après.
- Gokan-ō : s’occupe des mensonges, abus, jalousies et dépendances, le vingt-huitième jour.
- Enma-ō : décide du royaume de renaissance, au trente-cinquième jour.
- Henjyō-ō : précise les modalités de la prochaine vie, au quarante-deuxième jour.
- Taizan-ō : fixe la durée de la réincarnation, au quarante-neuvième jour.
- Les trois derniers juges statuent à plus long terme : cent jours, un an, puis trois ans après le décès.
L’iconographie met aussi en scène des figures comme Datsueba, la vieille femme du monde souterrain, qui dépouille les âmes de leurs vêtements au bord de la rivière Sanzu, frontière symbolique entre le monde des vivants et celui des morts.

Un enseignement visuel sur les rites post-mortem
Les statues et leur agencement servent non seulement un but religieux mais aussi pédagogique. Elles rappellent aux visiteurs les étapes du parcours de l’âme et les implications de leurs actions dans la vie présente. Le cycle des quarante-neuf jours, particulièrement important dans les rites funéraires bouddhiques, est matérialisé ici de manière explicite. Les familles des défunts sont invitées à effectuer des cérémonies hebdomadaires pendant cette période, afin d’alléger les peines encourues dans l’au-delà.
Sur le plan iconographique, les expressions sculptées sont volontairement marquées : regards sévères, postures tendues, et éléments narratifs qui évoquent la peur, l’espoir ou le repentir. L’ensemble forme un récit visuel sur le destin de l’âme.
La figure de Jizō Bosatsu : espoir et miséricorde
Malgré l’austérité du thème, le temple propose aussi une note de compassion. À gauche de la salle principale se trouve une statue de Jizō Bosatsu, bodhisattva protecteur des âmes en peine et des enfants. Dans les rites japonais, Jizō agit comme un défenseur face aux juges de l’enfer. Son rôle est d’intercéder en faveur des âmes, particulièrement celles des enfants décédés trop tôt.
Dans ce contexte, la présence de Jizō équilibre l’austérité des juges : il incarne l’espoir d’un salut, la possibilité d’une rédemption par la prière, et la tendresse divine dans un monde sévère.
Conseils pratiques pour la visite
Le temple Enno-ji est situé à 5 minutes à pied de la gare de Kita-Kamakura, facilement accessible via les lignes JR Yokosuka ou Shōnan-Shinjuku. L’entrée est modique : 200 yens pour les adultes et 100 yens pour les enfants. Les horaires varient légèrement selon la saison : jusqu’à 16h de mars à novembre, et jusqu’à 15h30 de décembre à février.
La visite peut se faire en 20 à 30 minutes, mais il est recommandé de prendre le temps d’observer les détails des statues et de lire les panneaux explicatifs disponibles sur place. Pour ceux qui souhaitent approfondir la thématique de l’au-delà dans le bouddhisme japonais, une visite combinée avec d’autres temples de Kamakura comme Kenchō-ji ou Hase-dera peut apporter un éclairage complémentaire.
Enno-ji ne se limite pas à une curiosité artistique : c’est un lieu de méditation sur la vie, la mort, et les conséquences des actes. À travers ses statues puissantes et son ambiance paisible, il offre une expérience rare, à la fois introspective et culturellement riche.
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