Parmi les trésors paysagers du Japon, trois jardins se distinguent depuis l’époque d’Edo pour leur harmonie, leur raffinement et leur richesse botanique : Kairaku-en à Mito, Kenroku-en à Kanazawa et Kôraku-en à Okayama. Appelés collectivement les « Nihon Sanmeien », ces jardins offrent une plongée dans l’esthétique japonaise classique, conçue pour éveiller les sens et accompagner les saisons au fil d’une promenade pensée comme un voyage intérieur.
L’art du jardin circuit : une expérience immersive
Les trois jardins appartiennent au style kaiyû-shiki teien, ou jardin de promenade. Ce type d’aménagement paysager s’organise autour d’un plan d’eau central et de sentiers sinueux, permettant aux visiteurs de découvrir différents points de vue en marchant. Loin d’être figés, ces jardins proposent une succession de scènes qui évoluent au rythme des déplacements.
Contrairement aux jardins contemplatifs destinés à être observés depuis un bâtiment, les jardins de promenade invitent à la déambulation. Chaque détour révèle une nouvelle perspective, un jeu d’ombre et de lumière, une composition végétale, une pièce d’architecture ou un reflet dans l’eau. Ces mises en scène visuelles s’appuient sur les saisons, chaque mois offrant une palette différente, de la floraison des pruniers aux érables rougeoyants d’automne.
Kenroku-en : l’équilibre des six éléments

Kenroku-en, situé à Kanazawa dans la préfecture d’Ishikawa, est considéré comme l’exemple le plus abouti de ce style. Son nom signifie « jardin aux six attributs », en référence aux six qualités idéales d’un jardin selon la tradition chinoise : espace, isolement, artifice, ancienneté, abondance d’eau et de panoramas.
Créé par le clan Maeda à partir du XVIIe siècle, Kenroku-en s’étend sur plus de onze hectares. Les visiteurs y découvrent des étangs, des pavillons, des ponts de pierre et des allées bordées de lanternes. La lanterne Kotoji, à deux pieds, est l’un des symboles du jardin. En hiver, les pins sont soutenus par des cordes tendues en cône, appelées yukitsuri, pour les protéger du poids de la neige, ajoutant à l’élégance hivernale du lieu.
Kenroku-en est voisin du château de Kanazawa et proche de plusieurs musées, ce qui en fait une étape culturelle complète dans la ville.
Kairaku-en : un jardin pour tous

Kairaku-en se trouve à Mito, dans la préfecture d’Ibaraki. Fondé en 1842 par Tokugawa Nariaki, seigneur du domaine de Mito, ce jardin a été conçu selon une philosophie d’ouverture. Son nom, signifiant « le jardin du plaisir partagé », reflète le souhait du daimyô de créer un espace accessible à ses sujets, alors que les jardins de l’époque étaient généralement réservés aux élites.
Le jardin est surtout célèbre pour ses 3 000 pruniers de plus de cent variétés, qui fleurissent dès la fin de l’hiver et attirent chaque année de nombreux visiteurs. Outre les pruniers, Kairaku-en offre une diversité botanique intéressante, avec cerisiers, azalées, bambous et cèdres qui dessinent une atmosphère changeante au fil des saisons.
Le jardin comprend également un bâtiment appelé Kobuntei, où se tenaient autrefois des événements littéraires et musicaux. Son architecture simple et ouverte s’intègre parfaitement au paysage environnant.
Kôraku-en : théâtre naturel autour du château

Kôraku-en est situé à Okayama, dans la région du Chûgoku. Créé au début du XVIIIe siècle par le seigneur Ikeda Tsunamasa, il servait de lieu de détente et de représentation. Des spectacles de théâtre nô y étaient régulièrement organisés, parfois même joués par le seigneur lui-même.
Le jardin s’étend sur une grande superficie et offre une alternance de vastes pelouses, d’étangs, de pavillons et de ruisseaux. Ce qui le distingue, c’est sa proximité directe avec le château d’Okayama, visible depuis plusieurs points du jardin et reflété dans les eaux calmes de l’étang Sawa-no-ike. La mise en scène entre nature et architecture y est particulièrement soignée.
Kôraku-en a subi des destructions durant les crues de 1934 puis les bombardements de 1945, mais il a été restauré fidèlement grâce à des documents d’époque. Aujourd’hui encore, il conserve son agencement original et illustre l’idée japonaise d’un paysage maîtrisé mais vivant.
Visiter les trois jardins : conseils pratiques
Kenroku-en, Kairaku-en et Kôraku-en peuvent être visités tout au long de l’année, chacun offrant un visage différent selon les saisons. Pour une première approche, l’hiver au Kenroku-en est spectaculaire grâce aux yukitsuri, tandis que les pruniers en fleurs de Kairaku-en attirent les amateurs de botanique dès février. Kôraku-en, avec ses grandes pelouses, est agréable au printemps ou à l’automne.
Les trois sites sont accessibles en transports publics depuis les grandes villes. Des navettes ou lignes de bus relient les gares principales aux entrées des jardins. Il est conseillé de prévoir entre une heure et demie et deux heures pour chaque visite, afin de profiter pleinement du cadre et des pauses possibles dans les pavillons ou salons de thé.
Chacun des jardins applique un tarif d’entrée modeste, généralement inférieur à 500 yens, parfois gratuit selon les horaires. Des réductions sont proposées aux enfants, étudiants ou personnes âgées.
Un héritage vivant de l’époque d’Edo
Ces trois jardins ne sont pas de simples vestiges historiques. Ils constituent encore aujourd’hui des lieux de promenade, de contemplation et d’événements culturels. Certains accueillent des illuminations nocturnes, des concerts de musique traditionnelle, ou encore des expositions florales. Le lien avec la nature et les saisons y est toujours célébré.
Comprendre ces jardins, c’est aussi approcher une part essentielle de la culture japonaise : celle du regard lent, du soin du détail et de l’harmonie recherchée entre le monde humain et le vivant. Ce sont des espaces conçus pour le corps en mouvement et l’esprit en éveil, loin de toute agitation.
Explorer Kenroku-en, Kairaku-en et Kôraku-en, c’est suivre les traces des seigneurs poètes de l’époque d’Edo et découvrir la force évocatrice d’un paysage pensé pour l’émerveillement. Le temps semble suspendu, les pas s’accordent à la nature, et chaque détour raconte une histoire silencieuse.
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